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Notre histoire

Comment tout a commencé

Honnêtement, je n’ai jamais autant ressenti la responsabilité d’être un professionnel de la santé que le jour où j'ai rencontré un petit garçon dont je vais me souvenir toute ma vie : Benjamin, le premier enfant que j'ai eu à réanimer dans ma carrière. 

 

C'était dans ma première année de pratique en 2013 et, même si ça fait longtemps, je m’en souviens comme si c'était hier. J'étais en train de faire un quart de soir et c’était plutôt calme. J'écrivais la note d'un patient quand j'ai entendu Jean-Sébastien crier dans le couloir. Jean-Seb c’était un infirmier qui avait tout vu; ça faisait 15 ans qu'il travaillait de nuit et il était toujours relax. Donc, s'il crie, c'est vraiment une catastrophe. Je me souviens l'avoir vu courir dans le couloir. Puis, d'un coup, j'ai vu un petit bébé dans ses bras, pâle et tout mou. 

Je me souviens encore avec beaucoup de détails le moment où je suis entré dans la salle de réanimation. La première image que j'avais, c'était à quel point le bébé était petit, minuscule dans une immense civière pour adulte. J'ai mis mon stéthoscope sur son thorax; ça prenait toute sa poitrine. C'était vraiment la confusion totale parce qu’on n’était pas prêt. Ce n'est pas un cas où on aurait eu le temps de préparer les médicaments et l'équipement. Il y avait juste moi, Jean-Seb, et Benjamin en train de mourir. On n’avait aucune idée de ce qui se passait. Où étaient ses parents ? Depuis combien de temps il était dans cet état ? On a appelé tout le monde et on s’est rapidement retrouvé être une quinzaine de personnes dans la salle de réanimation. 

 

Une fois la réanimation débutée, c’est devenu clair qu'il fallait, entre autre, commencer une perfusion d'épinéphrine pour réussir à faire monter sa tension artérielle. Vous pouvez imaginer, ce n'est pas vrai que la vie de Benjamin allait dépendre de la dose que j'avais dans ma tête pour cette perfusion. J'ai pris mon téléphone et j’ai vérifié dans mes références. Je me souviens avoir eu beaucoup de difficulté à faire du sens de tout ce texte. J'étais là à dérouler sur l'écran pour essayer de trouver l'information. Le stress était tellement intense. 

 

 

 

 

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Finalement, j'ai trouvé la dose initiale : 0,1 mcg/kg/min ! Je me souviens encore la tête de Jean-Seb quand il m'a dit : "Ouais, mais Fred, c'est quoi la recette ?" Je ne savais pas de quoi il parlait. « Mais Fred, on met ça dans du D5% ou du salin ? On prend un sac de combien de mL ? C'est quoi le débit initial en mL/h ?» Moi je pensais que c’était lui qui devait savoir ça ! On a appelé la pharmacie et on a eu la chance d'avoir un pharmacien qui était de garde. Il est descendu et a commencé à regarder dans ses livres. On a fini par trouver une recette : 5 mg d’épinéphrine dans un sac de 50 mL de D5%. Mais le problème, c’est que cette recette-là n’était pas dans nos pompes. Ok, alors on a de l’épinéphrine à 1 mg/mL, ça fait 5 mL d’épinéphrine. Tu mets les 5 mL dans le sac de 50 mL, ce qui donne une concentration finale de 5 / 55 mL = 0.09 mg/mL. Après, l’enfant pèse 3.4 kg et je veux lui donner 0,1 mcg/kg/min, alors tu multiplies par 60 pour mettre les minutes en heure, ce qui donne 6 mcg/kg/h et tu multiplies par le poids, ce qui donne 20.4 mcg/h. Tu divises par 1000 pour mettre les mcg en mg, ce qui donne 0.02 mg/h. Pour trouver le débit à mettre sur la pompe, tu divises ce chiffre-là par la concentration, ce qui donne… Le problème, c’est que Jean-Seb et moi on n’arrivait pas au même résultat. Imaginez-vous que j’étais dans ma première année de pratique avec un bébé en train de mourir et que j’allais commettre une erreur de quatre fois la dose. 

On a fini par trouver la bonne dose, partir la perfusion, stabiliser Benjamin et le transférer dans un hôpital pédiatrique. Une semaine plus tard, il était sorti des soins intensifs sans séquelles ni complications. Malgré le résultat positif, cette expérience m'a profondément marqué, et je me suis dit qu'on ne pouvait plus jamais laisser une situation comme ça se reproduire. On a réfléchi à ce qui avait été la difficulté dans ce cas-là et on a réalisé que ce n'était pas un problème de diagnostic, mais de logistique de la réanimation. Avec quelques amis et collègues, on a réfléchi à comment s'attaquer à ce problème. On a d'abord eu l'idée révolutionnaire de créer des tableaux Excel… avec toutes les doses, recettes, diluants, vitesses, indications, et compatibilités à jour, pour ne plus jamais avoir à calculer une dose de notre vie. Ça a pris du temps, mais on a finalement réussi à mettre en place un système efficace qui a changé notre manière de travailler.

 

Mais les tableaux Excel, ce n’était pas la meilleure idée. Impossible de transporter ça hors de l’urgence pour les réanimations dans le reste de l'hôpital, difficile à consulter sous l'effet du stress durant les urgences. On a donc décidé de commencer à travailler sur quelque chose de révolutionnaire pour 2013 : une application mobile. 

 

De fil en aiguille, l’équipe scientifique a grandi, puis l’équipe de développeurs aussi. De EZDrips ped, on a évolué vers EZDrips et, depuis 2023, à EZResus. Notre rêve ultime est de développer la solution pour que plus personne n'ait à vivre la situation que j'ai vécue avec Benjamin.

 

 

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On est vraiment fier de ce qu'on a accompli jusqu'à maintenant, mais ce n'est que le début. Attendez de voir ce qu’on a de prévu pour vous pour la suite ! 😊🚀

 

Frédéric Lemaire, DG et cofondateur de EZResus